Les techniques de l’estampe

Le mot estampe vient de l’italien stampa (impression, presse). L’estampe désigne une image  imprimée  généralement  sur papier, à partir d’une matrice réalisée sur bois, métal, pierre

La gravure sur bois

(Appelée aussi gravure en taille d’épargne ou xylographie)

Gravure sur bois de fil.

On dessine le motif sur une planche coupée dans le sens longitudinal du bois, puis on enlève la matière autour du dessin grâce à des outils tels une gouge ou un canif. L’encre est déposée en surface sur les motifs épargnés par l’outil, à l’impression tout ce qui a été soustrait apparaîtra en blanc sur le papier. La présence des veines du bois ne permet pas d’obtenir de grandes finesses.

La plus ancienne gravure sur bois connue en Occident est le bois Protat daté de 1370.

Gravure sur bois de bout.

Un bois dur comme le buis ou le poirier est scié perpendiculairement au sens des  fibres. On le débite en petits cubes qui, collés ensemble forment une surface homogène sur laquelle on dessine le motif. Le travail de gravure se fera selon le même principe que pour la gravure en bois de fil, les outils utilisés seront le burin, l’échoppe, le vélo, l’onglette ; on obtiendra des tracés d’une grande précision car l’outil n’est pas tributaire des veines du bois, les tailles peuvent se pratiquer dans toutes les directions.

Cette technique inventée à la fin du 18e siècle était particulièrement adaptée aux gravures d’illustration,  l’épaisseur des planches était identique à la hauteur des caractères typographiques permettant ainsi d’imprimer en même temps le texte et l’image.

Tous les dessins de Gustave Doré ont été gravés sur bois de bout.

La gravure sur cuivre

(Appelée aussi gravure en taille douce)

On attribue son invention à Maso Finiguerra en 1440 (orfèvre italien).

De façon manuelle ou chimique le motif est creusé dans le métal. L’encre sera déposée sur l’ensemble de la surface, puis essuyée pour qu’elle ne subsiste que dans les sillons, c’est un procédé inverse de la gravure sur bois. Le cuivre est le métal le plus noble mais on peut aussi graver sur de l’acier doux, du zinc, du plexiglass…

Le burin.

C’est une tige d’acier de section carrée ou en losange fixée dans un manche en bois. Grâce à la poussée de la main l’outil développe un copeau en incisant le métal. En fonction de la pression exercée les tailles seront plus ou moins profondes, plus ou moins larges.

Les grands maîtres seront au XVe siècle Martin Schongauer, Lucas de Leyde et bien sûr Albrecht Dürer.

L’eau-forte.

La plaque de cuivre est recouverte d’un vernis sur lequel l’artiste dessine son motif avec une pointe métallique. Le cuivre est ensuite immergé dans un bain d’acide (acide nitrique dilué ou perchlorure de fer). L’acide creusera la matière à l’endroit du tracé, les tailles seront plus ou moins profondes selon la durée du bain. Lorsque la morsure est terminée le vernis est enlevé et on procède à l’encrage comme pour la gravure au burin.

C’est au XVIIe siècle que l’eau-forte trouve son âge d’or en particulier avec les œuvres en clair-obscur de Rembrandt et le magnifique travail de Jacques Callot. La souplesse d’exécution en fera la technique privilégiée des peintres voulant s’exprimer par la gravure.

L’aquatinte.

On saupoudre des grains de résine sur le cuivre. Par chauffage de la plaque les grains de résine fondent, collent tout en laissant entre eux le métal nu qui sera creusé pendant  l’immersion dans un bain d’acide (Perchlorure de fer ou acide nitrique dilué). Pour obtenir différentes valeurs on protège certaines parties avec du vernis lors de morsures successives.

C’est au XVIIe siècle que ce procédé est mis au point, les gravures de Goya en sont une belle illustration.

La manière noire (appelée aussi mezzo tinte).

Grâce à un berceau, outil semblable à un hachoir cannelé de fines rayures, on crible le cuivre d’une infinité de petits trous générant autant de petits reliefs, la surface est alors très proche au toucher du papier de verre. Ensuite, à l’aide d’un brunissoir on écrase la matière subtilement pour faire apparaître le motif dans des valeurs de gris qui peuvent aller jusqu’au blanc.

    Inventée en 1642 cette technique fut abondamment utilisée pour les gravures d’interprétation, le rendu étant très proche de l’art pictural.

La lithographie

Cette technique fut, avec la photographie, la grande révolution du XIXe siècle dans le domaine de l’image, elle fut inventée par Aloys Senefelder en 1796.

Le motif s’exécute à l’encre grasse ou au crayon gras sur une pierre calcaire préalablement polie. Une préparation à base d’acide et de gomme arabique permet de fixer le dessin dans la pierre. Pour l’impression on humidifie la pierre, ainsi le rouleau encreur ne pourra déposer l’encre que sur les parties dessinées. Très proche de l’art des peintres et des dessinateurs, la lithographie est un procédé qui permet une grande liberté d’expression. Elle sera utilisée par les plus grands noms de l’histoire de l’art à partir de la première moitié du XIXe siècle.

La particularité de ces techniques est le fait que l’image imprimée sur papier est inversée par rapport à l’image exécutée sur la matrice, aussi c’est avec réserve que l’on pourrait ajouter à cet inventaire la sérigraphie qui elle, ne nécessite pas d’estampage.

L’estampe n’est pas née de volontés esthétiques mais de la nécessité de multiplier les images, images pieuses, gravures d’illustration, gravures d’interprétation pour vulgariser la peinture…Cependant lorsqu’elle est le fruit d’une démarche artistique elle s’impose comme un véritable langage. Les grands artistes ne s’y sont pas trompé considérant que le dialogue avec le cuivre, le bois, la pierre engendrait un acte créateur spécifique.  Pensons aux superbes gravures sur bois de Gauguin et celles des expressionnistes, les lithographies de Toulouse-Lautrec, de Chagall, les eaux fortes de Picasso…et tant d’autres.

En ce début de XXIe siècle l’art de l’estampe est bien vivant, l’artiste trouve une sorte de plaisir intimiste à se confronter à la matière dans des actes qui font appel à la tradition ou qui s’ouvrent sur des champs d’expérimentation infinis. Les graveurs travaillent dans la confidence, leurs œuvres sont de dimensions souvent modestes mais leur présence est incompressible dans le champ de la création. On pourrait dire que la gravure est à l’art ce que la poésie est à la littérature.

« L'artiste, c'est une main d'ouvrier, un coeur de poète,
un cerveau de philosophe »

Elie Faure